dernière lecture : L'homme qui m'aimait tout bas
Mon sentiment au sujet de ce roman :
A chaque fois que j’ouvre un bouquin d’Eric Fottorino, je suis bouleversée. Complètement bouleversée, je veux dire.
Bon… maintenant, je le sais. Je me méfierai de lui.
J’étais partie déjeuner dans le jardin. Beau temps, un petit vent doux, du bruit, autour : celui du printemps. J’étais bien.
Et j’ai ouvert le livre.
Merde, plus faim, là. Et les larmes.
Le père d'Eric Fottorino, je l'avais déjà rencontré : dans son roman "Un territoire fragile". Je l'ai tout de suite aimé. Vraiment aimé.
Papa est mort depuis bientôt 20 ans. De la même génération que Michel, le père d’Eric Fottorino. Du coup, les mêmes références, et puis les mêmes "manières" aussi, sans doute... Avec ces phrases, qui n’ont rien à voir (ou tout à voir…), et qui résonnent, provoquant en moi le grand bousculement du cœur (« et tu ressentais un bien-être incomparable qui s’exprimait par de petits grognements »).
Avec Eric Fottorino, il y a une soupape qui lâche, quasiment à chaque fois. Cela fait-il du bien ? Cela fait-il du mal ? L’émotion est immense, et c’est cela qui, pour moi, fait la qualité de son écriture.
Morceaux choisis
"La confiance est une forme d'inconscience".
"La mémoire est vigilante. Elle avoue ce qu'elle veut bien. A tes mains de voir. Lis les peaux en aveugle. Tes mains doivent être aimantes, je veux dire avoir la force des aimants. Un coup sur la peau, c'est un caillou dans l'eau. Il donne naissance à des ondes invisibles, des arcs de cercle ordonnés autour du point d'impact. Si tes mains sont bonnes, elles trouveront ces courbes et remonteront à l'origine du choc. L'art est de sidérer la douleur, de la frapper de stupeur. Sous la cuirasse dort une faille".
"C'est le sortilège et la magie de la littérature que de faire vivre des personnages fictifs qui prennent consistance dans la réalité".
Un passage, un peu plus long... : "Aujourd'hui, je le retrouve dans mes livres. Là, il revit dans l'air léger des pages qui se tournent, dans l'odeur de l'encre et du velin. Un roman, ce sont des tripes, des sentiments, des fragments d'existence en toutes lettres. Quand on écrit, on ne sait pas tout ce qu'on écrit. Gide avait constaté cela, il disait vrai. L'ancien enfant que j'étais pouvait-il deviner qu'il transformait son père en une immortelle statue ? Tourner la page, l'expression prend un sens nouveau à mes yeux. En tournant les pages, je lui redonne vie. Tourner la page, c'est le contraire de faire disparaître. C'est ranimer, ressusciter, une voix, la sienne, sa silhouette, son regard, ce fond de gentillesse au milieu de ses silences bourrus".
"Je déborde de mensonges vrais".
Ce dernier passage, je le prends comme un clin d'oeil à mon intention d'Eric Fottorino : un jour, mes collègues m'ont regardée avec des yeux (gentiment) moqueurs lorsque je leur ai sorti mon "Ce n'est pas un faux mensonge", je ne sais plus à quel sujet, et qui a, ce jour-là, été élue "phrase du jour". Comme quoi...
Avec ce récit, envie de découvrir :
La confusion des sentiments, de Stephan Zweig (p. 137, folio)