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dernière lecture : Immortelle randonnée - Compostelle malgré moi
Présentation de l'éditeur :
Jean-Chistophe Rufin a suivi à pieds, sur plus de 800 km, le "Chemin du Nord" jusqu'à Saint-Jacques de Compostelle. Beaucoup moins fréquenté que la voie habituelle des pèlerins, cet itinéraire longe les côtes basque et cantabrique puis traverse les montagnes sauvages des Asturies et de Galice.
"Chaque fois que l'on m’a posé la question « Pourquoi êtes-vous allé à Santiago ?», j’ai été bien en peine de répondre. Comment expliquer à ceux qui ne l'ont pas vécu que le Chemin a pour effet sinon pour vertu de faire oublier les raisons qui ont amené à s'y engager ? On est parti, voila tout."
Galerie de portraits savoureux, divertissement philosophique sur le ton de Diderot, exercice d'autodérision plein d'humour et d'émerveillement, "Immortelle randonnée" se classe parmi les grands récits de voyage littéraires.
On y retrouvera l'élégance du style de l'auteur du Grand Coeur et l'acuité de regard d'un homme engagé, porté par le goût des autres et de l'ailleurs.
Le pélerinage vers Saint Jacques de Compostelle fait partie de ces choses qui m'intriguent, m'attirent un peu, sans doute... Une de mes amies, Paulette, part tous les ans avec une copine et reprend sa marche où elle l'avait laissée, l'année précédente. J'aime bien quand elle m'en parle : elle rencontre des personnes plus ou moins intéressantes, souffre dans ses chaussures, revient à la fois inchangée et sereine, après avoir beaucoup parlé, je crois, avec Béné. Sa quête est probablement celle de l'échange...
Jean-Christophe Rufin, lui, est parti seul, pour 900 km de marche. Il raconte, avec beaucoup d'autodérision, ses rencontres, et les anecdotes les plus intéressantes de son périple... Il a choisi le chemin du nord, le plus sauvage, celui qui longe la mer, pour rejoindre Compostelle. Son récit est franchement plaisant : on le suit, pas à pas, avec plaisir. Avec une immense sensation de liberté (qu'il semble perdre dès sa femme arrivée !).
Un témoignage tout à fait passionnant... Il en parle d'ailleurs très bien lui-même... http://www.editionsguerin.com/boutique_fr_article_367.html
Morceaux choisis :
"Être homme, ce serait connaître Dieu ou, à tout le moins, le chercher. L'animal poursuit sa proie ; l'être humain court après son salut."
"En partant pour Saint-Jacques, je ne cherchais rien et je l'ai trouvé"
"Habité et vivant, le quartier historique de San Vicente est une friandise pour pèlerin désespéré."
"L'essentiel consiste à méditer sur la notion de charge et, au-delà, sur le besoin, sur l'objet."
"Quiconque marche sur le Chemin finit tôt ou tard par penser qu'il y a été condamné. Que ce soit par lui-même ne change rien : les sanctions que l'on s'impose n'ont pas moins de rigueur, souvent, que celles qu'inflige la société."
"Chacun porte en lui un nombre variable mais toujours excessif de sujets délicats : décisions procrastinées, projets auxquels on n'a pas consacré assez de temps, interrogations métaphysiques auxquelles on n'a jamais eu le courage de répondre."
"Sans doute ne suis-je pas le seul à goûter les choses et les êtres au moment où ils nous quittent. Mais j'ai poussé plus que d'autres le vice ou la gourmandise jusqu'à m'éloigner souvent de ce que j'ai de plus cher, pour en mesurer le prix. Jeu dangereux où l'on peut gagner beaucoup, mais où il y a encore plus à perdre."
"Mais c'est justement toute la force du christianisme que de tenir ce grand écart entre des formes si opposées de spiritualité. Entre les moines en leur château sacré que l'on nomme une abbaye et la plèbe de curaillons de compagne dans leurs églises sommaires qui tenaient plutôt du hangar à foin que de la cathédrale, les mêmes symboles et les mêmes rituels tendent un pont solide."
dernière lecture : Plonger
Présentation de l'éditeur :
Ils l’ont retrouvée comme ça. Nue et morte. Sur la plage d’un pays arabe. Avec le sel qui faisait des cristaux sur sa peau. Une provocation. Une invocation. À écrire ce livre, pour toi, mon fils. ».
Un homme enquête sur la femme qu’il a passionnément aimée. Elle est partie il y a plusieurs mois, pour une destination inconnue, le laissant seul avec leur petit garçon. Quand le roman s’ouvre, on l’appelle pour lui dire qu’on l’a retrouvée morte, sur une plage, près des vagues, vraisemblablement noyée, dans un pays lointain au paysage minéral qui pourrait être l’Arabie. Elle était artiste, elle s’appelait Paz. Elle était solaire, inquiète, incroyablement douée. Elle étouffait en Europe. Pour son fils, à qui il doit la vérité sur sa mère, il remonte le fil de leur amour - leur rencontre, les débuts puis l’ascension de Paz dans le monde de l’art, la naissance de l’enfant – et essaie d’élucider les raisons qui ont précipité sa fin.
Grand Prix du Roman de l'Académie Française 2013
Mon sentiment au sujet de ce roman :
Je crois que je vais avoir du mal à exprimer mon sentiment... Je suis toute tourneboulée, et je crois qu'il faut que je remette doucement mes idées en place.
Vous dire que j'ai avancé vers l'adoration totale, alors qu'au départ ma lecture était très mitigée, voire très critique, distante. Aucune envie de m'imprégner, de poursuivre : trop de clichés, d'étalage de connaissances dans tous les domaines, y compris linguistique : on finit par se sentir ridiculement inculte, c'est vexant, à la fin !
Sauf que "Monsieur" se fait durement remettre à sa place par les gens, par la vie, et il en prend même plein la figure. Tellement violemment qu'il en perd sa superbe et devient humain, fragile, enfin accessible, aurais-je envie de dire. Parce que vient alors le moment où il devient possible d'aborder les choses simples, un monde où l'instant compte, où l'on ne cesse de s'émerveiller… L'auteur, par un tour de passe passe, nous hypnotise jusqu'à nous donner cette impression d'être au cœur des choses. Voir souffrir César nous désole et nous touche, profondément. Le voir aimer jusqu'à ce point de non-retour est très émouvant. Très dur à contempler, sinon impuissants...
J'ai aussi aimé ce roman qui aborde, l'air de rien, de nombreuses préoccupations contemporaines, qui met le doigt sur l'art, sur la fragilité de la vie et de l'amour. Sur la vie sous-marine qui nous propulse dans un autre monde, cela me donnerait presque envie d'y retourner faire un tour, dans ce monde subaquatique merveilleux, même si j'ai une peur viscérale de l'eau...
Plonger, quel titre inspiré !
Parce que oui : ici on plonge, littéralement, vers un univers qu'il ne sera plus jamais possible d'oublier.
J'ai bien aimé l'analyse de Leiloona Bricabook, qui aborde sa lecture avec un autre regard (également enthousiaste).
Morceaux choisis :
"Dans la vie, n'attends pas que le destin te prenne en charge. Le destin te regarde, il sera séduit s'il te voit entreprendre, il sera bon compagnon et te filera un coup de main, mais c'est à toi de faire le premier pas. Même si c'est absurde."
"C'est fou ce que l'argument professionnel rassure les gens quand leur conscience leur dit que ce qu'ils ont fait n'est pas bien. C'est fou ce que ça les empêche de se rebeller, aussi..."
"La plupart des gens, autour de moi, portaient des casques. Certes, pour la musique, mais quand même, des casques, comme s'il fallait se retrancher du monde pour pouvoir le supporter."
"Les réseaux sociaux nous serinaient le mot "partage", nous faisant croire aux mirages d'un monde où tout serait mis en commun, alors que c'était tout le contraire".
"Il semble que l'être humain s'épuise aux yeux de l'autre comme s'épuisent les gisements d'or. On ne trouve plus d'or en l'autre, alors on le quitte".
"On méprise le mot "spécialité". Mais tant que ce mot existera, cela suffira à nous faire comprendre que le monde est encore divers".
"Quelle est son histoire ?" demanda ta mère, que j'aimais aussi pour ça : elle mettait de l'humain dans tout. Chaque homme, chaque femme avait une histoire, un drame, un bonheur qui expliquait sa façon d'être".
"Un artiste n'a pas à parler. L'oeuvre parle d'elle-même".
"Je ne crois pas, en effet, que notre époque puisse se raconter sous la forme d'un roman. Il faut un minimum de narration, et ce monde-ci, toujours entrecoupé par la réception d'un SMS, d'un mail, ne raconte plus grand chose dans la longueur. La seule chose qui y soit continue, c'est l'interruption".
"Terrible quand même, cette non-réciprocité de l'émotion, ces coups de foudre individuels".
"Notre corps ne s'arrête pas à notre corps".
"On ne décide pas du sommeil. Il vient, ou il ne vient pas".
"[...] dit qu'il poursuit ce moment de notre vie où l'on n'a pas de doutes, où l'on ne juge pas, où il y a juste à accepter le monde, à vivre simplement les choses comme elles sont. Il a même une définition de l'art que je trouve très belle : "L'art est cette quête permanente de l'effacement de l'anxiété".