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Le bruit des vagues
28 mars 2015

dernière lecture : La faim du tigre

de René Barjavel

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5 etoiles

Présentation de l'éditeur :
L'homme se trouve devant deux destins possibles : périr dans son berceau, de sa propre main, de son propre génie, de sa propre stupidité, ou s'élancer, pour l'éternité du temps, vers l'infini de l'espace, et y répandre la vie délivrée de la nécessité de l'assassinat. Le choix est pour demain. Il est peut-être déjà fait.

 

Mon sentiment au sujet de ce roman :
Je ne sais pas si cela n'a rien à voir ou justement tout à voir... J'écoutais (pour changer...) l'émission de Marie-Pierre Planchon, sur France Inter, qui avait ce jour-là invité Guillaume Néry (http://www.franceinter.fr/emission-partir-avec-guillaume-nery-un-mammifere-marin) (la suite : http://www.franceinter.fr/emission-partir-avec-guillaume-nery-un-homme-nouveau). Pour ceux qui ne le connaissent pas, il s'agit d'un champion français d'apnée, discipline qui le mène, la plupart du temps, aux frontières des limites humaines. Il est assez incroyable, de zénitude et de passion. Une des questions de Marie-Pierre l'a amené à parler de ce roman, "La faim du tigre", qui l'a profondément inspiré.

Moi qui suis depuis toujours fan de Barjavel, je me suis rapidement procuré ce roman, pour comprendre un peu ce qu'il avait de si spécial pour tant inspirer un homme tel que Guillaume Néry...
Alors, ça n'est pas bien compliqué : j'ai trouvé dans ces pages un de mes livres de chevet (qui n'est pas un roman mais plutôt un essai philosophique, très accessible). Je l'ai lu, cette fois volontairement, en prenant tout mon temps. Parce que chaque passage porte à réflexion et révolutionne les tripes (les émotions ?). Et la pensée.
Bon, pour les citations, comme quasiment chaque fois maintenant, j'ai abusé. Mais en les relisant, je ne vois pas laquelle supprimer. Choisissez-en une, au hasard ? Et laissez vous emporter...

 

Morceaux choisis :
"Jamais je ne m'habituerai au printemps. Année après année, il me surprend et m'émerveille. L'âge n'y peut rien, ni l'accumulation des doutes et des amertumes. Dès que le marronnier allume ses cierges et met ses oiseaux à chanter, mon coeur gonfle à l'image des bourgeons. Et me voilà de nouveau sûr que tout est juste et bien, que seule notre maladresse a provoqué l'hiver et que cette fois-ci nous ne laisserons pas fuir l'avril et le mai."

"L'homme est comme logé en lui-même à la façon d'un passager incompétent. Il ignore tout de la conduite d'un organisme qui ne dépend pas de lui, et qu'il est tout juste capable de détraquer par son comportement".
"Mais si c'est Dieu qui l'a voulu ? Dieu ? Il faut se méfier des noms et des mots".
"L'homme n'est pas le seul à aimer le caviar. Lorsqu'une femelle de poisson saisie par le printemps pond les millions d'oeufs qui lui gonflent le ventre, elle traîne souvent derrière elle un groupe d'amateurs qui les avalent à mesure de leur sortie. Nous en faisons bien autant avec la poule. Cela nous paraît dans l'ordre, et pas le moins du monde inquiétant, car nous ne sommes ni poisson ni poule, et ne pondons pas nos oeufs."
"Je sais que le monde est un vide parcouru par un réseau de puissances en mouvement, que la matière inerte grouille et qu'il n'y a aucune différence essentielle entre une poignée de terre et la joue d'un enfant. Mais ce monde-là, je ne peux pas le connaître dans sa vérité, car cette vérité ne tombe pas sous mes sens, et ma raison, qui ne peut qu'en constater l'existence, est impuissante à se la représenter".
"Peut-être le chêne immobile pendant des siècles est-il au centre d'un univers insoupçonnable à l'esprit de l'homme mobile et bref. La journée est pour lui comme une inspiration, la nuit une expiration, le printemps et l'été sa journée, l'automne sa fatigue et l'hiver son repos nocturne. Il vit à une autre échelle du temps, de l'espace où il est figé, de la conscience, et de la connaissance."
"Nous ne connaîtrons jamais l'odeur d'une galaxie. Nous ne pourrons jamais écouter un atome. Nos sens sont non seulement limités dans leur nombre, mais aussi dans la dimension de leurs possibilités."
"Je n'y parviendrai peut-être jamais, mais jusqu'à mon dernier souffle, je chercherai à comprendre. Comprendre où je suis et ce que je suis et ce que j'y fais, et à quoi ça rime. Ce corps qui s'est construit sans moi, et qui vit sans mon intervention, cet esprit qu'il renferme dans un scaphandre qu'ont-ils à faire ensemble, vers quelle vase ou quel trésor s'enfoncent-ils dans l'océan de la matière ? Cette chair souffrante et jouissante qui me commande, et qui est faite de vide et qui saigne, qui a reçu du fond des âges une vie qui la laissera tomber et pourrir, cet esprit qui aura à peine le temps de naître avant de s'évanouir, je veux comprendre, comprendre, comprendre, pourquoi ils sont associés, si mal assortis, et s'ils ont un rôle à jouer, une place à tenir, exactement, quelque part entre la salade et la galaxie".
"Le hasard ne conçoit pas, n'ajuste pas, n'organise pas. Le hasard ne fait que de la bouillie."
"On ne quitte pas une maison qu'on trouve sale. On la nettoie."
"Quelque application qu'on y mette, il est difficile de croire que le monde n'est qu'un tas confus, un ramassis de matière assemblé fortuitement et battu comme blanc d'oeuf par le fouet des énergies du hasard. De l'infiniment grand à l'infiniment petit, l'examen des ensembles et des détails nous montre au contraire que tout est en ordre. Non seulement en ordre, mais organisé."
"Nous sommes entourés de miracles auxquels nous sommes habitués. Nous vivons par miracles, tout le vivant est miraculeux dans ses moindres détails, mais nous sommes si accoutumés au merveilleux quotidien qu'il a perdu tout pouvoir de nous émerveiller".
"Nul ne sait plus ce que signifie le nom de Dieu. L'adorer ou le haïr est pareillement infantile. On ne hait pas, on n'adore pas un je-ne-sais-quoi. Ce que je sais, c'est que notre univers, considéré dans ce que nous pouvons connaître ou deviner de son ensemble ou de ses plus infimes détails, ne peut être confondu avec un produit informe et inorganisé du hasard, fût-il éternel".
"Dieu n'est que l'image de Quelque Chose, Principe, Force, Idée, Esprit, Volonté, que nous ne pouvons concevoir ni nommer".
"Si Dieu avait eu besoin d'être adoré, il n'eût créé que des chiens. Le chien est bien plus apte que l'homme à l'amour. Un chien affamé, battu, jeté à l'eau par son maître, s'il en réchappe, reviendra gémir d'amour à ses pieds. Voilà bien le fidèle tel que le rêvent les Eglises".
"Toutes les religions du monde nous racontent, à des détails près, la même histoire, comme si l'humanité tout entière avait bénéficié, à un moment de son existence, de la même connaissance et des mêmes certitudes".
"Les racines de l'arbre mangent la terre et la matière inerte devient matière vivante, fleurs, sève, parfums".
"La bête mange la plante, mange la graine et la feuille de l'arbre, et la matière devient aile, sang, oeil. L'homme mange la plante et la chair de la bête, et la matière devient pensée. Quelle est la suite. Qui ? Qui se nourrit de l'homme ? Que deviennent nos joies, nos amours digérées ?"
"Il sait, il croit savoir, que cela qui est lui, cela qui jouit et qui souffre, cela au moins existe depuis son commencement jusqu'à sa fin. Alors il se met à croire en lui-même. Cela ne mène pas loin : jusqu'à sa mort."
"L'impasse peut devenir le début d'une voie".
"Un atome contient, autant qu'une galaxie, l'infini et ses lois. Dieu st entier dans chaque portion de sa création. IL est entier dans chaque créature. Attention ! Il est dans toi, tout entier ! Il est dans moi ! (...) Nous voilà bien avancés... Tu le sens, toi ? Zéro..."
"Je me dis que si, moi qui ne suis rien, j'ai pu faire au hasard de mes lectures ces rapprochements entre les textes anciens et la science nouvelle, que ne serait-on en droit d'attendre d'une assemblée d'hommes de bonne volonté ayant des connaissances et les confrontant dans le désir de tirer, de ces rapprochements, quelques lumières ?"
"C'est l'oeil qui fait la lumière".
***
"1er janvier 1966. Je vais terminer ce livre aujourd'hui, malgré tous les efforts de mes deux petites filles qui grattent à ma porte, m'appellent, courent dans le couloir après la queue du chien, pleurent, rient, vivent et ne se doutent de rien.
J'ai deux petits-fils aussi, au bord de la mer.
Quatre bourgeons qui portent déjà dans leurs cellules innocentes les ordres de la lignée, de l'espèce et de la vie. Et d'ici que ce livre paraisse, peut-être y en aura-t-il un ou deux autres en chemin.
La vie, l'amour, l'espèce ne sont pas chiches.
L'année finit l'année commence, la vieille la jeune terre tourne, tourne sur elle-même, tourne autour du soleil dans le grand espace vide, tourne comme le dernier valseur qui ne veut pas que le bal finisse."
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Commentaires
F
Je n'ai jamais ressenti de telles émotions qu'à la lecture -multiple- de ce livre ... Barjavel dans cet essai nous dé-voile et dé-crypte tant de choses qui sous sa plume nous deviennent évidentes , limpides ... Si je devais ne sauver qu'un seul livre au monde, j'hésiterais avec un dictionnaire mais je crois au final que ce serait celui-là ...
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