Au sujet de ce roman :
Un jour, Christian Bobin écrivit un livre: petit, dense, très agréable à lire. Mais enfin: ce n'était qu'un livre, qui semblait n'avoir aucune importance particulière. Certaines personnes le lirent, en furent charmées, s'arrêtèrent un instant de s'agiter en tous sens (comme nous le faisons tous) et firent silence pour goûter aux mots.
Effet magique. Baguette de fée?
Quel livre était-ce? Je ne sais plus. Il en a écrit tellement. Ce que je sais, c'est que ces personnes devinrent une famille, une sorte de club d'amateurs, des amoureux de Bobin. Ce type inconnu dont il était très difficile d'avoir la photographie, qui vivait pauvre et heureux en province française, eut tout à coup la "cote d'écoute" faramineuse. Bobin devenait un secret public. Les amateurs de Bobin se reconnaissaient à leur sourire enchanté d'innocence, à un regard droit, net, franc, à un amour de la nature, des fleurs et des petits oiseaux. Un peu éthéré, tout cela? Eh bien non, pas vraiment. Les pieds sur terre, beaucoup plus qu'on ne le pouvait penser.
Faites attention: si vous lisez, vous risquez de devenir, à votre tour, enchanté.
Sources : La Presse - Jacques Folch-Ribas - collaboration spéciale.
Morceaux choisis :
" Le besoin de créer est dans l'âme comme le besoin de manger dans le corps. "
" Les choses sans les noms ce n'est rien. Pas même des choses. "
" J'ai déjà remarqué ça : les gens on les aime tout de suite ou jamais. "
" Tu sais ce que c'est la mélancolie ? Tu as déjà vu une éclipse ? Et bien, c'est ça : la lune qui se glisse devant le coeur, et le coeur qui ne donne plus sa lumière. La nuit en plein jour. "
" Le vrai mot, ils ne le trouveront pas. Le seul mot qui n'est pas dans leur vocabulaire parce qu'il n'est pas dans leur vie : libre."
" Il y a toujours quelque chose à voir, partout. Une feuille qui descend, une fourmi qui grimpe, un nuage qui se déchire. "
" Ecouter c'est quand on aime. "
" L'amour réside dans les détails, nulle part ailleurs. "
" Pour qu'une chose se termine, il faut qu'une autre chose commence. Et les commencements, c'est impossible à voir. "
" D'un appartement à l'autre, dix mètres. Les plus petites distances sont des distances infranchissables. "
" Avant cet amour, je n'étais pas née. Après cet amour, je suis morte, je suis passée d'un néant à un autre, le premier était triste et lourd, le second est radieux, sec et vif comme une attaque en musique, une vibration d'archet, une pirouette de Jean Sébastien Bach. "
"J'ai seulement besoin de sentir l'air frais dans mon cou, entre la peau et le chemisier, de tacher mes yeux avec le vert des sapins, un vert foncé, fort. Je me sens comme celle que j'ai entrevue tout à l'heure, au-dessus d'un pré, une alouette. Elle filait de la terre au ciel, droit d'elle-même à elle-même, dans un palpitement de plumes et de chant. Le loup, c'était moi, derrière les barreaux, ensomeillée. L'alouette, c'était moi, dans l'air bleu, vibrante de petit délire calme. Hier une cage, aujourd'hui un ciel. Je fais des progrès."
"Je pense que le grand art est l'art des distances : trop près on brûle, trop loin on gèle, il faut apprendre à trouver le point exact et s'y tenir, on ne peut l'apprendre qu'à ses dépens comme tout ce qu'on apprend vraiment, il faut payer pour savoir."